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L'Église nous rappelle avant tout que l'on ne doit pas emprisonner la
personne dans sa sexualité, affirme le P. Georges Cottier, dominicain,
théologien de la Maison pontificale, dans un entretien accordé à
L'Avvenire, qui fait le point sur la position de l'Eglise face aux
personnes homosexuelles. Tout en rappelant la loi morale et son but, le
théologien déplore le « mépris » dont les personnes homosexuelles peuvent
faire l'objet et invite la communauté chrétienne a lutter contre les
« préjugés ». Il rappelle que les personnes homosexuelles sont elles aussi
appelées à la sainteté. Il évoque à plusieurs reprise la « maternité de
l'Eglise ».
Une référence à la Création
Loin de toute polémique, la réflexion du P. Cottier rappelle la
position pastorale de l'Eglise, au moment où le World gay pride a
commencé à Rome (1er-9 juillet) : « Théâtre, danse, musique, débats, avant
le défilé », annoncent les organisateurs. L'affiche renvoie - la préoccupation
religieuse n'est pas loin, même si c'était par dérision - à la Création:
dans un triangle où l'on entrevoit le globe terrestre, deux doigts se
rejoignent presque, rappelant les doigts d'Adam et du Créateur du plafond
de la Sixtine.
La personne transcende la sexualité
Citant la Lettre aux évêques de l'Église catholique sur le soin pastoral
des personnes homosexuelles, publiée par la Congrégation pour la Doctrine
de la Foi en 1986, le P. Cottier préconise de parler de « personnes
homosexuelles » et non de l'adjectif substantivé « homosexuel »,
réducteur. « L'Eglise nous rappelle, avant tout, que l'on ne doit pas
emprisonner la
personne dans sa sexualité. En 1986, rappelle-t-il, la Congrégation pour
la Doctrine de la Foi a publié un document sur le soin pastoral des
personnes homosexuelles, où l'on trouve une précision importante. La
personne en tant que telle transcende la sexualité. Il vaut mieux, par
conséquent, ne pas parler « d'homosexuels » ou de « lesbiennes », mais de
« personnes homosexuelles ou lesbiennes », pour souligner cette
transcendance qui est le destin fondamental de tous les êtres humains.
Un phénomène « douloureux » à prendre en considération
avec sérieux
Avant d'aborder le sujet, le P. Cottier a également demandé une réflexion
« sérieuse » : « Arrêtons-nous un moment pour réfléchir, pour comprendre,
et préciser certaines choses, dit-il. L'Église dit des choses
essentielles, rappelle le théologien du pape. Et ce sont des éléments qui
peuvent offrir la clef d'interprétation de ce phénomène social et
personnel, souvent douloureux et grave. J'utilise l'adjectif "grave"
["lourd" en français,
ndlr] non dans le sens d'un jugement moral, mais parce qu'il pèse beaucoup
sur certaines personnes et mérite d'être pris en considération de façon
sérieuse. »
La loi morale, pour arriver à notre « fin
»
D'autre part, le théologien insiste sur la distinction entre « tendances »
et « actes » homosexuels, et sur le fait que le clivage ne passe pas entre
« homosexuel-mauvais » et « hétérosexuel-bon » : ce qui ordonne l'activité
humaine, c'est la fin de l'homme, référence de la loi morale. « Nous
devons bien faire la distinction, dit-il, entre les tendances
homosexuelles, dont dans la plupart du temps la personne n'est pas
responsable, et les actes homosexuels. Ces actes, disons, sont jugés
selon la loi morale, qui nous indique le chemin pour arriver à notre fin :
l'union à Dieu. Certains actes sont conformes à la volonté de Dieu, et
donc bons, et d'autres non. Mais cela vaut pour tous les actes de type
sexuels, comme pour tous les champs de l'activité humaine. Et cela vaut,
naturellement aussi pour les personnes hétérosexuelles. »
Le mariage « monogame et indissoluble »
Exemple : l'adultère ? « Exactement. L'adultère, répond le P. Cottier,
est grave, c'est un péché. Ainsi, l'on ne doit pas mettre d'un côté les
actes homosexuels et de l'autre les actes hétérosexuels. Pour l'Église,
l'usage des actes sexuels n'est moralement licite qu'à l'intérieur du
mariage monogame et indissoluble. »
Les personnes homosexuelles souffrent
du mépris engendré par les préjugés
Mais c'est le point
de vue pastoral qu'envisage le dominicain qui dénonce le mépris dont des
personnes homosexuelles peuvent être l'objet du fait de « préjugés ». «
L'action pastorale, dit-il, s'adresse à des personnes et doit donc être
caractérisée par la compréhension et le respect. Il est vrai, hélas, que
ces personnes, souvent, ont été méprisées, n'ont pas reçu de
considération, ont beaucoup souffert de comportements qui sont plus le
fruit de préjugés que d'inspiration évangélique. Pensons au contraire à
la maternité de l'Église : personnes homosexuelles ou personnes
hétérosexuelles, célibataires ou mariées, nous sommes tous aimés par
l'Église parce que l'Église est le sacrement de l'amour du Christ pour
tous. »
Ce que l'homme ne peut changer
Pourtant, l'organisation du Gay pride à Rome, en l'Année du Jubilé a
suscité des perplexités en Italie. Le P. Cottier distingue l'« idéologie »
sous-jacente. « La difficulté actuelle, explique-t-il, est due à
l'idéologie gay, ce qui est une autre chose. C'est un ensemble de
revendications, dont certaines sont justes et d'autres non. Justes : ce
sont celles qui réclament la reconnaissance de la qualité de personne due
à tous. Mais derrière, il y a la tendance de beaucoup à reconnaître les
unions entre personnes homosexuelles de façon, je ne dirais pas identique,
mais très semblable au mariage. Un peu ce qui se passe pour les unions de
fait. Le mariage au contraire est une institution voulue par Dieu que
nous, hommes, nous ne pouvons changer selon notre bon plaisir. Donc,
l'Église, sans offenser les personnes, doit dire la vérité, c'est-à-dire
'non'. Rappelons que, comme le disait Paul VI, l'annonce de la vérité est
une forme éminente de la charité. »
De l'individualisme au narcissisme
Dans la réponse de l'Église, il n'y a donc pas une idéologie, mais la
prise en compte d'une réalité objective. Il s'agit, précise le P. Cottier,
de « tenir compte d'une loi morale objective, d'un plan de Dieu inscrit
dans la réalité que nous devons chercher à découvrir à la lumière de la
raison et de la foi ». Citant la Constitution conciliaire Gaudium et
Spes, le P. Cottier explique: « Gaudium et Spes dit que l'union entre
l'homme et la femme dans le mariage est la première forme de communion. Au
contraire, dans la conception individualiste, l'amour n'est plus
communion. Nous en arrivons inévitablement à un comportement narcissique. »
Avant tout, lutter contre les préjugés et le
mépris
Quelle attitude à tenir, dans la communauté ecclésiale ? Le P. Cottier
répond sans hésitation : « Avant tout, lutter contre les préjugés, et le
mépris, qui est presque toujours le fruit de préjugés. Que les personnes
homosexuelles se sentent de plein droit de la paroisse, parce qu'elles
sont des personnes comme les autres et auxquelles s'adresse le même appel
à la sainteté qu'à tous les autres hommes et toutes les autres femmes. Je
le répète : tenons présente à l'esprit la maternité de l'Eglise qui aime,
au nom du Christ, tous les hommes. »
Derrière les provocations, une accumulation de souffrance
Que sont les « groupes de prise de conscience » ? Ces groupes, explique le
P. Cottier, peuvent apporter une certaine aide. Mais il met en garde
contre l'enfermement d'un groupe sur « sa propre différence ». « Cela
peut devenir contre-productif, ou source de nouveaux préjugés »,
remarque-t-il. Quant à l'efficacité d'une manifestation comme le Gay
pride pour aider les personnes homosexuelles, le P. Cottier n'y croit pas.
« Au-delà de la coïncidence, dit-il, avec l'Année sainte, et de sa nature
plus ou moins provocatrice, cette manifestation n'aide pas à bien
comprendre le problème et les dommages humains qui sont en jeu. Il est
probable que derrière les provocations, il y ait aussi une accumulation de
souffrances. Mais ce n'est certainement pas le chemin adéquat pour les
surmonter. »