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Dynamique du provisoire (1965)



Face à l’accélération de toutes les évolutions, une dynamique du provisoire, qui laisse d’autant plus libre que l’on est plus fidèle à l’essentiel, permet de reprendre encore et toujours un nouveau souffle. L’œcuménisme ne peut cheminer que dans une dynamique qui l’oblige à découvrir une dimension toujours plus universelle. Sinon, comment la vague œcuménique gagnerait-elle de proche en proche les chrétiens et, par eux, tous les hommes ? Sans être en communion visible entre eux, les chrétiens peuvent-ils discourir sur l’amour ? Il en va de la crédibilité du peuple de Dieu aux yeux de ceux qui nous regardent vivre.

Pour une nouvelle dimension de l’œcuménisme

« L’œcuménisme est la tentative qui permettra de rendre visible une communion fraternelle entre les chrétiens et, par eux, entre tous les hommes. » Il ne peut se contenter d’un engagement partiel, et doit en particulier nous relier aux chrétiens de l’hémisphère sud. Les séparations des chrétiens amoindrissent leur rayonnement. La simple coexistence pacifique est un bien, mais marque un arrêt dans le cheminement; l’œcuménisme eschatologique est trop peu contraignant. « Le dialogue est indispensable, mais à la condition qu’il ne se complaise pas dans le statisme d’une paix confessionnelle. » Surgit la tentation de confessionnalisme, attitude d’autodéfense exposant ses nuances propres : « des mentalités confessionnelles se maintiennent alors même que la foi a disparu » ! L’interpellation posée par les baptisés sans adhésion et les multitudes étrangères à la foi, doit nous faire dépasser ces positions. Mais la plus forte résistance est notre égocentrisme.

« Pour avancer vers une communion, Dieu nous donne le moyen de nous extraire de nous-mêmes. » Trois gestes pour être des événements de Dieu, des chemins de communion : éviter la rupture des générations, rencontrer ceux qui ne peuvent croire, rejoindre l’homme exploité. Il convient d’accorder à chacun a priori la pureté d’intention, et de s’abstenir de juger ceux qui suivent des chemins différents, fussent-ils défense du passé.

Les jeunes générations veulent faire table rase, dans une saine réaction contre tout automatisme, stéréotype, absence de participation. Mais l’intelligence seule ne peut saisir le mystère de Dieu; « à vouloir tout expliciter, nous nous exposons à ne plus rien comprendre », nous avons besoin d’actes, de gestes, d’humbles signes, rejoignant nos profondeurs, nos « archétypes ». « À tout formuler, nous risquons de perdre le sens de Dieu. » Alors se crée un vide dans lequel se coulent l’indifférence ou le refus, la révolte qui sourd en tout homme. Deux démarches s’imposent pour ne pas perdre le sens de Dieu tout en étant présent dans des sociétés de plus en plus sécularisées : ivre le mystère du peuple de Dieu, et demeurer dans l’attitude contemplative.

éviter la rupture des générations

Il en est des vieux dès leur jeune âge, refusant de consentir à l’aujourd’hui, aux changements. Or « vieillir sans relations avec les générations qui montent, c’est se condamner à végéter ». Une grande ouverture de cœur et d’intelligence nous est demandée pour saisir les grands courants actuels. Les longues années d’une vie laborieuse fournissent à la réflexion une acuité irremplaçable, un jugement affiné. « Plus l’homme est lié à l’éternité, sachant de quoi il s’approche, mieux il se dispose à vivre. Vieillir, c’est alors être rajeuni par tout ce qui vient à nous au travers de l’évolution contemporaine. » « La communauté chrétienne n’est pas à la copie des sociétés civiles », tous sont engagés ensemble, dans l’obligation d’avancer et de relier les mentalités du passé à celles de demain. L’œcuménisme permet de réaliser ce qu’il y a de plus pur dans l’élan de chacun.

Les jeunes veulent participer à un réenfantement de la communauté chrétienne et des formulations de la foi. Ils ne veulent plus des attitudes de retrait, des autojustifications confessionnelles, vont là où une vie se trouve, exigeants d’authenticité, plus qu’un œcuménisme vernis pour masquer le malaise des séparations. D’aucuns transforment leur angoisse en agressivité, et veulent détruire les vieux pans des institutions chrétiennes. « L’immobilisme durcit et conduit immanquablement à un processus de désagrégation : qui n’édifie plus se détruit lui-même, à brève ou à longue échéance. »

Parfois les jeunes refusent toute communication avec les hommes d’église, car ceux-ci auraient acquis des sécurités et privilèges abusifs, par les institutions. Ils veulent sincérité et limpidité, là où elles sont, une preuve existentielle que nos sécurités sont en Lui, que nous vivons l’évangile dans sa fraîcheur première, en solidarité avec tous, pas seulement avec la famille confessionnelle : vivre l’attente de Dieu, dans la dynamique de l’aujourd’hui. « L’orgueil de la vie crée une fissure par où s’écoule toute fraîcheur évangélique. » Il nous faut accepter une reconversion, pour nous faire refaire des « entrailles de miséricorde ».

Les générations montantes oublient bien souvent qu’il n’y a pas de réforme d’une communauté sans réforme de l’individu. « Il importe que l’être précède l’agir. » «  La mise à jour commence dans les profondeurs de nous-mêmes. » Demandons à l’Esprit qu’il nous élargisse, qu’il nous embrase du feu de son amour. On édifie ni seul ni à partir de zéro : « rien de durable ne s’accomplit sans une création commune. » « Il n’y a de vie commune que si l’unique référence de tous est d’édifier ensemble. » Chaque membre doit participer à la recréation de la communauté, chaque jour - s’il accomplit son œuvre sans l’y insérer, il détruit. Le signe de communion est plus important que la plus noble œuvre individuelle. « Dieu nous prépare une communauté chrétienne qui sera lieu de communion, qui offrira à l’insécurité des hommes à travers le monde un terrain solide pour tous. Il n’y aura pas de violence pour parvenir à cette communion. Personne ne sera jamais arraché à sa famille ecclésiale ou humaine. Procéder ainsi ne serait pas une création commune. Ce serait blesser l’amour, et qui blesse l’amour ne construit pas le peuple de Dieu. »

Rencontrer ceux qui ne peuvent croire

La conséquence de nos divisions est un appauvrissement réciproque. Les non-croyants ne peuvent croire que ce qu’ils voient ! - notre amour fraternel doit donc éclater dans sa manifestation visible. Notre communion est pour tous ces hommes, pas pour être plus forts contre d’autres hommes. L’œcuménisme est un préalable pour nous rendre capable d’offrir aux hommes un lieu de communion pour tous. Il ne s’agit pas de faire fi de la vérité. « Mais se mettre d’accord sur une vérité première, la nécessité d’une communion visible, c’est trouver la possibilité existentielle de se mettre d’accord un jour sur d’autres vérités de la foi. » « Un dynamisme nouveau est promis à ceux qui se retrouvent après avoir été séparés. Tout homme qui réalise une réconciliation y gagne une ouverture d’esprit et de cœur, et dans sa vieillesse même il redevient jeune. » La réconciliation entre chrétiens nous rajeunira et nous dynamisera. « Pour que, ensemble, nous rejoignons ceux qui ne peuvent croire, il nous est demandé quotidiennement l’offrande cachée de nos vies. » La vraie histoire du mouvement œcuménique este dans les petites et grandes fidélités de ceux qui assument le combat jusqu’au plus profond de leur homme intérieur.

C’est la passion de l’unité du Corps du Christ qui a fait découvrir à la communauté l’amitié pour les hommes de toute la terre. « Le souci du dialogue a éveillé notre attention à tout ce qui est humain. » L’esprit de miséricorde conduit dans une charité forte sans sentimentalité (caricature de la sensibilité), ne dramatise pas la subjectivité des situations, accueille avec confiance l’événement et le prochain, quels qu’ils soient. De nombreux non-chrétiens sont porteurs du Christ, pacificateurs, à leur insu - peut-être est-ce l’aboutissement des prières séculières des chrétiens; ils nous frayent des chemins. « Nombreux ceux qui sont enfants de lumière sans le savoir. » Le dialogue avec lui permet de voir en lui ce qu’il ignore, le mystère d’une présence cachée, alors il y a recréation réciproque - mais ne peut faire cela que le chrétien qui à tout moment se ressource dans la Parole, dans l’Eucharistie, sinon il serait conduit à un relativisme sans bénéfice pour personne.

Rejoindre l’homme exploité

Il faut amorcer une marche vers la libération de tout ce qui opprime l’homme, sinon la rencontre du Nord et du Sud sera déchirure. Générosité et détachement ne sont pas suffisants, la participation à la lutte du monde contre la misère est requise. L’esprit de pauvreté va au-delà de l’abandon de biens matériels, oblige à renoncer à accaparer l’esprit d’autrui, à le forcer à entrer dans nos catégories. Les signes extérieurs de pauvreté n’empêchent pas de conserver à part soi une ambition humaine, un désir de puissance, de domination. Attention au néojansénisme, à l’attitude puritaine, qui est de faire pauvre en cachant des ressources derrière la façade. L’esprit de pauvreté n’est ni tristesse ni austérité, mais transparaît dans des signes extérieurs de joie, attente joyeuse du retour du Christ et objection de la conscience chrétienne face aux exploiteurs.

S’il s’accompagne d’un fanatisme, l’engagement à la pauvreté détruit. « Des êtres farouchement pauvres font peur. L’esprit de pauvreté n’est pas porteur de suffisance. On ne saurait exalter une Béatitude aux dépens des autres. Le pauvre est doux, il reste le pauvre du Christ. La pauvre n’est rien sans la charité, ombre sans clarté. » Découvrons le sens de l’urgence et la dynamique de l’attente. «  Multiplier les sécurités de toutes sortes, c’est faire mentir notre confiance.  Les abandonner, c’est être en quête de Dieu et n’avoir de sécurité inébranlable qu’en lui. »

Vivre le mystère du peuple de Dieu

« La vocation œcuménique nous conduit immanquablement à une réflexion sur le peuple de Dieu et entre autres sur l’appartenance de tous les chrétiens, par leur baptême, au Christ et à son Corps. » Par le baptême, nous sommes marqués du sceau de l’universel, de l’exigence de la solidarité et de la fraternité avec tous les baptisés. « Pour un catholique, être solidaire de tous les baptisés, cela signifie d’abord être solidaire de toutes les familles spirituelles qui animent le catholicisme. » « Que ceux qui ont reçu le sens du mystère du peuple de Dieu ne gardent pas pour eux-mêmes les valeurs irremplaçables auxquelles ils sont attachés, mais qu’ils comprennent ceux qui ont premièrement la passion du dialogue avec l’homme contemporain. De la même façon, que les catholiques qui se tiennent en pointe, sur des positions avancées, réapprennent que sans une quotidienne descente aux sources, bien vite ils n’auront à offrir que le vide. » « Le combat chrétien est déjà si exigeant ! Pourquoi s’user à condamner ? Pourquoi se fatiguer à mépriser des courants contraires ? »

Quel est le rayonnement de ceux qui usent de l’anathème ? Attention à l’œcuménisme à double face, sans risque, conservant des critiques sourdes. Luther écrivait en 1519 à propos du schisme hussite: « Les Bohémiens qui se sont séparés de l’église romaine peuvent bien invoquer des excuses : elles ne sont qu’impies et opposées à tous les commandements du Christ. Leur séparation est en effet contraire à l’amour qui résume tous les commandements. Ce qui les accuse le plus, c’est précisément ce qu’ils avancent comme leur seul argument : ils se seraient séparés par crainte de Dieu et par motif de conscience, pour ne pas devoir vivre parmi prêtres et papes corrompus. Que les prêtres et les papes ou qui que ce soit d’autres soient corrompus, alors, si tu brûlais d’un vrai amour chrétien, tu ne fuirais pas mais tu accourrais, du bout du monde s’il le fallait, pour pleurer, exhorter, persuader et mettre tout en mouvement.  Sache que par obéissance à cet enseignement de l’apôtre (« portez les fardeaux les uns des autres »), ce que tu dois porter, ce ne sont pas les choses agréables mais les fardeaux. Il s’en suit que toute la gloire de ces frères de Bohème n’est que pure apparence. Elle est la lumière en laquelle se change l’ange de Satan. Et nous, allons-nous nous enfuir et nous séparer parce que nous devons porter les fardeaux et les monstres insupportables en vérité de la Cour Romaine ? Loin de là ! Loin de là ! Au contraire nous réprimandons, nous nous indignons, nous supplions, nous exhortons, mais nous ne rompons pas l’unité de l’Esprit et nous ne nous rengorgeons pas. Car nous savons que l’amour surmonte tout, non seulement les institutions défectueuses, mais aussi les hommes qui sont des monstres de péché. Il est menteur, l’amour qui ne supporte que les qualités de l’autre. » (Weimarer Ausgabe, vol. II, p. 605)
Du côté catholique, au XVIè siècle, il y eut de la générosité, une angoisse et une inquiétude exprimées authentiquement, par exemple par le pape Adrien VI, qui disait à son nonce qu’il envoyait à Luher : « Tu dois dire que nous reconnaissons librement que Dieu a permis cette persécution à cause des péchés des hommes et particulièrement des prêtres et des prélats. La Sainte écriture nous apprend tout au long que les fautes du peuple ont bien souvent leur source dans les fautes du clergé. C’est pourquoi notre Seigneur, lorsqu’il voulut purifier la ville de Jérusalem malade, alla d’abord au temple pour prier. Nous savons que, même sur le Saint-Siège et depuis nombre d’années, beaucoup d’abominations ont été commises : abus des choses saintes, transgression des commandements, de telle sorte que tout a tourné au scandale. Nous tous, prélats et ecclésiastiques, nous nous sommes détournés de la voie de la justice. » (Instruction du pape Adrien VI au nonce F. Chieregati)

Le protestantisme s’est établi dans un isolement qui ne correspond pas à sa démarche première, la constitution de communautés minoritaires a entraîné des habitudes de justification et d’autodéfense. Le concile Vatican II a ouvert une voie du côté catholique : une promesse est apparue, un événement de Dieu a éclaté. « Aux protestants de savoir si, de leur côté, ils demeureront uniquement tournés vers leur histoire ou s’ils accepteront, à leur tour, de connaître un réenfantement. » Un aggiornamento du protestantisme est nécessaire, parfois rendu difficile par le vocabulaire du « retour » utilisé par certains catholiques : il ne saurait s’agir d’une victoire des u ns et d’une défaite des autres. Les protestants risquent deux illusions : croire retrouver la pureté d’une église primitive, sur laquelle personne n’est d’accord et dont de toutes façons leurs propres institutions éloignent naturellement; supposer que le catholicisme va se « protestantiser », promouvant ainsi une attitude de retour de leur côté. « Réagir à la lourdeur d’une communauté chrétienne peut être nécessaire. Mais si ceux qui s’expriment deviennent protestataires et si, de plus, ils se regroupent et clament du dehors, ils bloquent la communauté chrétienne déjà fatiguée par un long cheminement et en empêchent le réenfantement. » Sachons être levain qui brise les croûtes. C’est toujours de l’intérieur et patiemment que l’on édifie. Toute rupture est en définitive un appauvrissement. Les « petits restes » risquent toujours le durcissement, de n’être plus porteurs de vie. Permettre qu’éclate l’événement au sein de la communauté, sans rompre la communion.

« Celui qui, dans sa vie personnelle ou dans celle de l’église, se contenterait d’attendre le seul événement de Dieu et se placerait dès lors dans l’unique perspective du provisoire, verrait son attente infirmée. N’acceptant pas que l’événement de Dieu s’intègre dans l’histoire, dans la continuité de la tradition, il l’exposerait à être comme une pierre précieuse jetée aux pourceaux. Mais, de son côté, celui qui se refuse à considérer l’événement de Dieu toujours possible oublie la valeur de l’attente, se prive de la dynamique du provisoire, se condamne au durcissement et à l’absence de rayonnement. Maintenir, au nom de la tradition, des formes stéréotypées, c’est caricaturer la tradition elle-même, ce grand courant qui traverse les temps et la vie du peuple de Dieu, véhiculant avec lui et en lui des valeurs essentielles, la Parole vivante de Dieu. Celui qui n’attend plus rien devient statique, il se prive de tout pouvoir de communication. »

Taizé ne veut être qu’un signe existentiel de la communion du peuple de Dieu. Microcosme de l’église, cette communauté trouve une résonance qui la dépasse. «  Allier au sens de l’urgence le sens des continuités assurées par plusieurs générations constitue un facteur incomparable de paix intérieure et d’humilité : je suis serviteur inutile; ce que je n’accomplis pas moi-même, d’autres l’accompliront après moi. »

La protestation enferme dans une position de suffisance, et enferme l’autre en lui-même en le culpabilisant. « Par sa nature même, toute vie en communauté est tournée vers Dieu et vers les hommes. Si elle ne favorisait que la pureté de vie, elle risquerait fort de succomber à une lente mort. » Sinon elle est ferment capable de soulever des montagnes d’indifférence, apportant aux hommes une qualité irremplaçable de présence du Christ.

Frère Roger s’émerveille de ses frères, réunis à la prière commune, se tenant devant Dieu, sans voir, avec sérieux, fidélité, la joie dominant leur combat intérieur. Si on s’installe au-dedans de soi-même, dans ses privilèges et son bon droit, une dimension de foi se rétrécit. Vivre dans le provisoire conduit à voir nos particularités, notre Règle, notre liturgie, nos trésors, comme moyens. La vocation elle est immuable. Seul celui qui a le sens des continuités peut être au bénéfice de la dynamique du provisoire. Il faut une continuité plus forte que l’enthousiasme, qui servira à reprendre élan, car celui-ci est entrecoupé de déserts arides. La vocation œcuménique est un combat exigeant la pleine maîtrise de soi. Seule l’attente contemplative de Dieu permet de conserver l’animation intérieure qui procède de notre amour du Christ et de Son Corps, les volontés doivent y être trempées. « La conversation avec Dieu active la ferveur. » Dialoguer simplement, humblement, avec Dieu, comme le faisait et le disait le pape Jean XXIII. À qui écoute il est répondu : paix ! Pas une paix proférée des lèvres alors qu’il y a guerre en soi, ni une paix acquise une fois pour toutes, mais une paix qui atteint les profondeurs de l’être. Ni fade tranquillité, ni passivité intérieure, pas de paix dans l’oubli du prochain - tous les jours retentit la question : « qu’as-tu fait de ton frère ? » Pacifié, l’homme suscite réconciliation. Cette paix requiert une maturation, car recouvre épreuve et souffrance, qui restent à l’intérieur, mais mettant en action des forces vives. « Un homme de paix, par l’unité de sa personne avec Dieu, préfigure en lui l’unanimité. Il y entraîne. »

La maîtrise du corps, et la chasteté, se font uniquement par amour du Christ Jésus. La Réforme a oublié l’élément moteur de la chasteté, l’attente du retour du Christ, le célibat comme attente du Royaume qui vient. « Le célibat ouvre à une dimension œcuménique insoupçonnée. À travers lui, nous voulons être des hommes tellement tendus vers l’espérance de Dieu qu’ils souhaitent ne rien garder pour eux-mêmes. Il y a là un exercice d’ouverture à l’universel, qui permet d’assumer, avec un cœur disponible, toutes les préoccupations, tout ce qui vient jusqu’à nous. » Le célibat ne peut que revaloriser la vocation au mariage, à la construction d’une communauté conjugale « petite église ». La recherche de plénitude affective de l’homme le pousse à désirer l’intimité; mais toute intimité humain suppose des limitations, refuser cet ordre de nature conduit à la révolte. Y consentir stimule l’intimité avec Celui qui nous arrache à la solitude accablante de l’homme face à lui-même. Elle sera communion et soutiendra une foi capable de transporter les montagnes. « La vie contemplative n’est pas une existence qui se meut entre ciel et terre, dans l’extase ou l’illumination. Elle prend son départ dans l’humble approche de Dieu et du prochain. Sa marque est toujours le sceau d’un esprit réalisateur. » Elle pose l’exigence du silence intérieur, et d’un regard sur le prochain transfiguré par la réconciliation, aide aux consentements chaque jour nécessaire : à notre état de vie, à notre vieillissement, aux occasions perdues. « Dans le regret, l’homme intérieur se désagrège. L’esprit de l’homme, loin d’être tonifié, est rendu stérile lorsqu’il se traîne à travers une réflexion où il reconstruit sans bénéfice une situation dépassée. » « Le regret stérilise l’élan créateur. Le regret débilite. » Dans l’attente de Dieu ce qui était insipide retrouve une valeur toute nouvelle, tout pessimisme se dilue, malgré ses réelles raisons d’être. Nous reprenons élan.


Attendre !

Attendre l’aurore d’une vie, celle où pour jamais Dieu nous recueille en son sein.
Attendre en soi-même et en autrui l’événement de Dieu.
Attendre une communion dans le peuple de Dieu et, à travers elle, une communion entre tous les hommes.
Attendre le printemps de l’église.
Attendre envers et contre tout l’esprit de miséricorde, car l’amour qui ne consume pas n’est pas la charité, et sans elle nous professerions un œcuménisme sans espérance.
Dieu nous prépare une nouvelle Pentecôte qui embrasera tout homme du feu de son amour. À nous d’accourir au devant de l’événement qui déjouera tous les pronostics humains et rendra vie à nos ossements desséchés.
Accourir, non pas fuir !
Accourir vers le demain des hommes, une civilisation de technicité toute chargée d’un potentiel de promotion humaine.
Accourir pour rencontrer ceux qui ne peuvent croire et pour lutter avec les plus opprimés.
Accourir pour soutenir un réenfantement du peuple de Dieu, pour demander, supplier, exhorter en temps et hors de temps à la communion, et dresser dans le monde des hommes le signe indubitable de notre amour fraternel.
Accourir vers une communauté chrétienne fatiguée par un long cheminement, et tout mettre en œuvre pour que ne retombe pas la vague œcuménique.  »



Citations





Ad majorem Dei gloriam