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José Manuel Barroso a donc battu en retraite plutôt que d'affronter le
scrutin parlementaire. Il s'est donné un mois pour présenter une autre
combinaison de commissaires. Ce qui fait dire à Courrier international
que c'est une « victoire de la démocratie » : « En provoquant la chute de
la Commission Barroso avant même son entrée en fonctions, le Parlement
européen a démontré qu'il était capable de faire contrepoids aux caprices
des gouvernements nationaux (28 octobre). » Autrement dit, la démocratie
fonctionne sans vote, juge en l'espèce sur la base d'un faux (cf. Décryptage, 22 octobre), avec la seule autorité du
retentissement médiatique.
C'est bien dans ce contexte qu'il faut analyser l'échec de Barroso :
l'assaut contre Rocco Buttiglione ne s'explique que par la volonté d'un
certain nombre de gauchistes, socialistes, « libéraux » et autres libres
penseurs de marquer un second point contre l'Église catholique après
l'affaire des « racines chrétiennes ». Son péché (démocratique ?) à lui :
revendiquer franchement, mais à titre personnel, l'enseignement biblique
de l'Église sur la famille et l'homosexualité.
Une manipulation éhontée de la réalité des propos du commissaire désigné
italien a permis d'utiliser deux leviers qui se sont révélés efficaces :
la volonté du Parlement européen, nouvellement élu, de s'affirmer face à
la Commission (face à n'importe quelle commission serais-je tenté de dire)
alors que son prédécesseur, bien qu'élu dans la foulée de la démission
forcée de la « commission Santer », n'avait pas réussi à le faire; et
celle de certains dirigeants de groupes parlementaires de se faire pardonner le
partage des dépouilles auquel avait donné lieu la répartition des
présidences, en laissant la bride sur le cou aux plus vindicatifs.
Sous cet angle, les souverainistes qui ont pratiqué la « politique du pire
» portent une certaine responsabilité.
Cet épisode laissera des traces : José Manuel Barroso s'est révélé n'avoir
ni la dimension de son poste ni une autorité politique personnelle
suffisante, à la différence de Romano Prodi, pour surmonter la première
crise politique rencontrée; sans doute a-t-il été rattrapé par son passé
maoïste...
S'il est reconduit, il aura beau modifier son équipe que le Parlement aura
pris un réel ascendant sur lui, au détriment de la Commission (on pourrait
presque s'en satisfaire) puisqu'elle est en début de mandat et non en fin
comme dans l'affaire Santer, mais aussi du Conseil qui l'a nommé ; et
s'il ne l'est pas, le Conseil sera contraint de rouvrir les équilibres
fragiles qu'il pensait avoir sécurisé en le nommant, alors qu'il avait
déjà peiné à trouver le président idoine pour la Commission, car il devra,
cette fois-ci, tenir compte du Parlement et de ses équilibres politiques
internes ; mais il ne pourra le faire qu'au détriment du « couple
franco-allemand » dont Barroso était le fruit... On lui souhaite bien du
plaisir.
Quel enseignement tirer de ces évènements pour l'avenir de l'Europe ?
1/ Le fonctionnement institutionnel de l'U.E. pourrait bien commencer à
obéir à une dynamique propre (celle des assemblées) plutôt qu'à la volonté
des rédacteurs des traités : ce qui était attendu des promoteurs de
l'élection du Parlement européen au suffrage universel (VGE) il y a 25 ans
et ne s'était pas produit alors, pourrait bien se produire maintenant mais
de façon différente et imprévisible, tout aussi peu démocratique,
2/ Fille de la chrétienté, l'Union européenne s'écarte de plus en plus de
sa source mère, moins par la force des choses que par la volonté délibérée
et efficace de lobbies puissants qui savent tirer parti de ses ambiguïtés
structurelles. Une dépêche de l'AFP ne titrait-elle pas, mercredi 27
octobre : « Le Vatican perd son influence à mesure que l'Europe grandit »
? Quel aveu...
Cet article se trouve ici, sur le site Liberté politique.